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Arkea-Ultim Challenge-Brest : quels enjeux pour les teams et quel avenir pour la classe Ultim ?6 min de lecture

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À deux jours du départ de l’Arkea Ultim Challenge-Brest (AUCB), BDI a organisé le 5 janvier 2024 sur le village de la course une conférence Eurolarge Innovation consacrée aux grands enjeux, sportifs, techniques, logistiques, de l’épreuve, pour les participants, mais aussi pour la classe Ultim. Retour sur cette demi-journée riche d’enseignements.

 

L’Arkea Ultim Challenge-Brest, un défi de préparation

Toute première course autour du monde en solitaire et en Ultim de l’histoire, l’Arkea Ultim Challenge-Brest a forcément constitué pour toutes les équipes un gros enjeu en termes de préparation. Notamment pour celle d’Éric Peron, qui, sur le doyen de la flotte, Adagio, 20 ans d’âge, n’a officialisé que fin septembre sa participation. “Pour que le bateau parte, il a fallu prioriser à marche forcée sur une mission commando de trois mois pour d’abord vérifier ses parties structurelles. On a géré les urgences sans chercher à faire ce qui n’était pas raisonnable”, explique Christophe Boutet, qui, à la tête de la structure brestoise Aloha-Attitude, gère le projet du navigateur.

Si les autres équipes ont eu davantage de temps pour se préparer, elles n’ont pas pour autant échappé aux aléas techniques de la saison 2023, notamment en raison de la proximité de la Transat Jacques-Vabre Normandie-Le Havre, arrivée moins de deux mois avant le coup d’envoi du tour du monde. “Les dernières semaines ont été agitées”, confirme Sandrine Bertho du Team Actual, qui a dû s’employer pour réparer “les avaries sur la dérive et un foil”, survenues lors de la transat en double puis du convoyage retour vers la Bretagne.

“Le maître mot, c’est l’adaptabilité”, ajoute Antoine Le Ster, responsable des partenariats chez MerConcept, qui s’occupe du projet SVR-Lazartigue, dont l’équipe a eu “la mauvaise surprise de déceler une fissure dans le bras avant du bateau au retour du bateau à Concarneau”. D’où un chantier commando de quasiment un mois et demi – “2 000 heures de travail en pleine période de fin d’année” – qui a permis à Tom Laperche d’arriver à Brest sur son Ultim la veille du départ ! “Cela s’est joué au chausse-pied. On a la chance de pouvoir compter sur une grosse équipe de construction”, poursuit Antoine Le Ster.

 

 

Anticiper les escales

Autre sujet de taille pour les Ultim développés pour voler au large : celui de la casse matérielle. De nouveaux enjeux émergent, liés à la gestion de l’avarie sur cette course qui autorise les escales avec assistance. Et laisse la porte ouverte à des arrêts techniques le long du parcours. “Il y a eu un énorme travail d’anticipation”, résume Sandrine Bertho, avant de préciser “que ce n’est pas neutre d’envoyer un foil à l’autre bout du monde”.

“Il faut identifier les ports les plus faciles, prévoir les caisses en bois pour transporter les pièces, ou encore vérifier la validité des passeports…”, énumère Antoine Le Ster, qui ajoute : “L’impact carbone n’est pas non plus un sujet qu’on peut éluder. Les décisions pour ces escales seront donc prises en fonction du consensus trouvé entre le skipper, le sponsor et l’équipe.”

 

La sécurité des marins

Du côté de l’organisation, c’est sur la vaste question de la sécurité des six engagés que le directeur de course, Guillaume Rottée, s’est concentré depuis février 2023. Sa mission : “Imaginer les situations les plus catastrophiques et envisager les solutions pour y répondre le plus rapidement possible.” Notamment dans les zones australes, où, malgré la bonne coordination avec les autorités de chaque zone, les “secours y sont plus compliqués, où le moindre incident peut vite devenir problématique”, de par l’éloignement des bateaux à la terre.

Composée de quatre personnes, la direction de course travaille en étroite collaboration avec des météorologues, des spécialistes de l’observation des glaces (CLS), ainsi qu’avec trois médecins. Parmi eux, Laure Jacolot, constate que “l’augmentation de l’enjeu traumatique évolue de façon concomitante à celle de la vitesse des bateaux”.

Et si les skippers embarquent systématiquement des casques, des progrès restent à faire : “La protection des marins n’est pas optimale, surtout en cas de décélération rapide et brutale lors d’une collision”, ajoute ce médecin du sport.

 

Le risque de collision au centre des débats

La collision avec des cétacés est un sujet un peu tabou dans l’univers de la voile de compétition, sur lequel se mobilise depuis 2019 Renaud Bañuls, qui représente le consortium Share The Ocean, dont l’objectif est de collecter des données scientifiques pour déterminer les zones de forte concentration de mégafaune marine, et a, à ce titre, été sollicité par la direction de course. “Les collisions sont aujourd’hui la première cause de mort non naturelle des grands mammifères”, affirme l’architecte naval. Ces collisions n’étant bien évidemment pas le seul fait des bateaux de course.

Les données réunies par le consortium ont permis de définir plusieurs zones interdites à la navigation sur le parcours de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, une grande première sur une course d’une telle ampleur. “Ce dispositif pour délimiter l’invisible n’est pas parfait, mais il existe. Il illustre une prise de conscience générale”, remarque Guillaume Rottée.

“Le prochain défi se situe sous la mer », complète Frédéric Renaudeau du Pôle Mer Bretagne Atlantique. “La question de la détection entre 0 et 10 mètres reste très compliquée, puisque le son ne s’y propage pas de manière rectiligne”, explique cet expert des innovations maritimes.

 

Quid de l’Ultim du futur ?

Première course autour du monde en Ultim en solitaire de l’histoire, l’Arkea Ultim Challenge-Brest constitue un banc d’essai technologique de 22 500 milles, qui sera riche d’enseignements pour les designers. “Cette course où la télémétrie est autorisée, c’est un peu le laboratoire commun d’analyses et d’outils de performance”, confirme Renaud Bañuls, qui a participé à la conception de Sodebo Ultim 3 (Thomas Coville).

De son côté, Xavier Guilbaud, architecte associé au sein de l’agence VPLP Design (qui a dessiné Adagio, Actual Ultim 3, Banque Populaire XI et SVR-Lazartigue), estime que “les voies d’amélioration sont nombreuses, notamment au niveau des plans de voilure qui ont finalement peu évolué en 15-20 ans”.

D’autant que la nouvelle jauge, qui sera dévoilée lors du premier semestre 2024, indiquera le cap à suivre en matière de développement. “L’un de ses objectifs est de la rendre attractive pour rester a minima à sept bateaux et, pourquoi pas, en accueillir dix à l’avenir”, indique Guillaume Neron-Bancel, directeur de la communication d’Actual Group, l’un des membres composant aujourd’hui la Classe Ultim.

 

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