la sécurité est un élément fondamental des courses au large
Enquête

Route du Rhum 2022 : quels progrès dans le domaine de la sécurité en 4 ans ?5 min de lecture

  • voile de compétition

Interviews, Enquêtes, évènements incontournables et les actualités des adhérents d’Eurolarge Innovation… Tous les trimestres, la Bretagne Sailing Valley® News traite l’actualité économique et technologique de la voile de compétition bretonne. A l’occasion du de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, découvrez ci-dessous une enquête sur la sécurité lors des courses au large. 

La sécurité en course repose aussi bien sur l’architecture des bateaux, leur construction et leurs équipements, que sur les moyens employés pour maintenir le lien entre les skippers et la terre pendant l’épreuve. Passage en revue des progrès en la matière, à quelques semaines du départ de la douzième édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe.

Si le taux d’abandon de la dernière Route du Rhum n’était pas spécialement plus élevé que lors des éditions précédentes – 35%, contre 28% en 2014, il avait culminé à 50% lors de la dantesque édition 2002 -, les avaries spectaculaires survenues en classe Ultimes ont marqué la course. Banque Populaire IX a chaviré suite à la rupture du bras avant – il n’a pas été possible de le reconstruire – le Maxi Edmond de Rothschild a perdu l’avant d’un flotteur arraché, tandis que Sodebo Ultim 2 a dû s’arrêter quelques jours en Espagne suite à un problème sur le bras de liaison avant.

Team manager de Banque Populaire, Ronan Lucas parle d’une « expérience traumatisante » dont l’équipe a tiré les leçons pour la construction de Banque Populaire XI (mis à l’eau en avril 2021), sur lequel s’élancera le 6 novembre Armel Le Cléac’h. « Nous avons décidé de réaliser une double structure de bras sur le nouveau bateau avec une véritable poutre IPN. C’est un choix qui a coûté plusieurs centaines de kilos pour un bateau conçu pour tourner autour du monde. On sait aujourd’hui qu’en cas de fissure d’un carénage, qui n’est jamais évidente à détecter, le bateau pourra ainsi être sécurisé par Armel. »

Si ce choix de structure, inédit sur un trimaran de course au large, n’a pas été suivi par d’autres, tous les Ultimes ont été renforcés depuis la dernière Route du Rhum. Le nomex (nid d’abeille) a disparu des fonds de coque, et il est désormais également interdit dans le fond des coques des Imoca, de façon à éviter le délaminage lié au slamming (impact répété avec les vagues) constaté sur les foilers.

Les formes de coque de la nouvelle génération de 60 pieds à foils privilégient d’ailleurs un passage plus souple dans la mer avec des étraves spatulées, mais les zones de slamming ayant reculé, c’est maintenant l’arrière des coques qu’il faut recloisonner !

 

Solidité, instrumentation

Plus performants en raison de la généralisation des foils, les Ultimes et les Imoca sont aussi nettement plus surveillés. En quatre ans, le nombre de points de mesure des efforts a explosé, un domaine dans lequel des sociétés telles que Pixel sur merAIM45 et Ocean Data System, sont devenues des références. « Aujourd’hui, un Ultime est capable de voler à 30 nœuds au près, ce qui créée des cumuls de vitesse et donc de chocs avec les vagues considérables, explique Xavier Guilbaud, architecte chez VPLP Design, qui a notamment conçu Banque Populaire XI et SVR Lazartigue. Avant, on ne mesurait les charges que dans le gréement et les foils. Maintenant, c’est toute la structure qui est instrumentée» A bord de Banque Populaire XI, ce sont 222 capteurs qui renvoient ainsi en temps réel à l’ordinateur du bord et à l’équipe à terre ces précieuses informations de charge !

Si les teams s’engagent sur l’honneur à n’envoyer aucune information au skipper qui pourrait participer à la performance du bateau, une exception existe depuis cette année concernant la sécurité : « Si nous repérons une donnée de charge anormale qui indique un problème à bord que le skipper n’aurait pas vu, nous pouvons l’avertir, mais avons obligation d’en informer l’organisation », explique Ronan Lucas. Ce que confirme Francis Le Goff, directeur de course de la Route du Rhum : « C’est une dérogation à la règle de non-assistance qui nous paraît logique compte tenu des enjeux. Mais nous nous réservons le droit de mettre le jury dans la boucle pour voir s’il y a lieu d’appliquer ou non une pénalité. »

La problématique de la sécurité ne concerne évidemment pas que les Ultimes. En Imoca, « la jauge évolue en permanence, explique le président de la classe, Antoine Mermod. On a par exemple revu les radeaux de survie en partenariat avec Plastimo, suite à l’accident de Kevin (Escoffier) lors du dernier Vendée Globe, avec de nouveaux renforts et la présence à bord du bib d‘un téléphone satellite. » Ce radeau équipera désormais tous les Imoca et sera bientôt disponible à la vente chez Plastimo.

Plus original, la société rennaise AMA a passé un contrat avec l’organisateur de la Route du Rhum pour distribuer des lunettes connectées aux skippers. Baptisées Xpert Eye, elles pourraient être une aide précieuse, notamment dans le cadre des consultations médicales. Comme l’explique Thomas Waendendries, président d’AMA : « La transmission de l’image par les lunettes utilise le réseau satellite du bateau et nous les configurons pour chaque skipper avant le départ. Contrairement à un réseau comme WhatsApp, nous contrôlons le flux des données et chaque communication avec la terre peut être tracée, ce qui permet de lever tous les doutes sur une utilisation qui ne serait pas du domaine de la sécurité. »

 

Crédit Photo : © Eloi Stichelbaut / polaRYSE / Charal

 

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