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Propulsion maritime par le vent : cas d’usage et exemples concrets abordés à Lorient9 min de lecture

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BDI a profité de la course Retour à la base pour organiser une journée de conférences dédiées au sujet du transport maritime par le vent à la Cité de la Voile-Éric Tabarly de Lorient. Transport de marchandises, de passagers et de loisirs, navires de travail… Un tour d’horizon complet de la filière et de ses usages a été effectué, jeudi 13 décembre 2023, devant un parterre composé d’acteurs de la filière technologique de la voile de compétition et de la propulsion vélique ou d’armateurs et de chargeurs. Via une intervention vidéo Daniel Cueff, vice-président de la Région Bretagne en charge de la Mer et du Littoral, a rappelé les ambitions régionales pour soutenir le développement de cette filière œuvrant à la décarbonation du transport maritime.

 

S’appuyer sur l’écosystème breton de la voile et les usages pour industrialiser le transport à la voile

Outre l’hydrogène, la Région Bretagne considère la propulsion vélique comme l’un des moyens, à terme, de diminuer drastiquement les émissions de carbone provenant des navires. En introduction de la journée dédiée au transport maritime à la voile organisée par BDI, Daniel Cueff, vice-président à la Mer et au Littoral a rappelé l’ambition portée pour développer cette filière : “La maritimité a besoin de se décarboner. Elle commence à utiliser la voile pour le faire. Ce qui nous paraît important, en Bretagne, est de permettre l’industrialisation du transport vélique et la massification des usages de la voile. Pour ce faire, nous allons être accueillants, dans nos ports, avec les industriels qui portent des projets allant dans ce sens.” C’est sur ce projet que les élus du Conseil régional de Bretagne ont pu voter une feuille de route en faveur du transport maritime à la voile le 15 décembre dernier.

La Bretagne peut s’appuyer sur le savoir-faire qu’elle abrite en son sein en matière de recherche et développement pour concevoir et installer des voiles rigides permettant d’emporter des navires de pêche, de transport de marchandises ou de passager. Selon une étude menée par BDI, le territoire regroupe plus de 150 offreurs de solutions pour développer cette filière. Daniel Cueff a énuméré bon nombre de compagnies ou transporteurs voguant ou ambitionnant de naviguer en partie ou totalement grâce à la force du vent : Grain de Sail, TOWT, Iliens, Eco Trans Océan. “Si nous avons les clients et les usagers et si nous avons les lignes suffisantes, nous pourrons développer, de façon massive, le retour de la marine à la voile”, a-t-il argué.

 

Retrouvez l'étude Propulsion par le vent de BDI

 

Éveiller les consciences et proposer des solutions adaptées aux chargeurs et logisticiens

Quel est le point de vue des chargeurs et des logisticiens au sujet du transport maritime à la voile ? C’était l’objet de la première table ronde qui a réuni Jean Zanuttini, CEO de Néoline, Noémie Rousseau, chargée de mission Transition énergétique Bretagne Supply Chain et Guillaume Brohan, responsable logistique chez Lobodis.

Noémie Rousseau a d’abord souligné “l’intérêt” que portent les industriels pour cette “nouvelle façon de penser le transport”. Un modèle qui nécessite cependant un effort pour “accompagner vers ce changement de mentalité et dans cette manière de gérer les flux”. C’était là tout l’intérêt de la présence du torréfacteur breton Lobodis, représenté par Guillaume Brohan. Société à mission, Lobodis est devenue, en 2022, l’un des 1 200 co-armateurs de la coopérative Windcoop, qui ambitionne de développer des lignes maritimes à la voile. “Le mouvement sera forcément initié par des transporteurs “militants”, mais il ne faut pas se fermer et il faudra, très vite, élargir le spectre à tous les types de chargeurs.” 

Les différences de positionnement en fonction des projets font partie des vents contraires que peuvent rencontrer les clients potentiels d’une ligne décarbonée. “Nous devons donc être en capacité de proposer aux chargeurs une solution qui répond à une problématique logistique, qui l’améliore et qui s’adresse à tous types de chargeurs, du plus petit, au plus gros.”

 

 

Des entreprises motivées par l’engagement environnemental mais pas que…

Au cours de la deuxième table ronde centrée sur les points de vue des consommateurs et des entreprises, Louis Mayaud, chef de projet décarbonation du transport au sein de Belco, a partagé cette idée d’un engagement environnemental comme l’une des sources du développement de la filière vélique. Constat partagé par Christophe Briere de La Hosseraye, consultant en décarbonation de l’industrie maritime au sein de Velic Consulting : “À un moment donné, il faut prendre des risques et s’engager de manière assez ferme. À l’heure actuelle, aussi, le risque financier de l’innovation lié au vélique n’est supporté que par les start-up. La France est un très bon soutien à l’innovation technologique, mais il faut également que l’armateur soit accompagné par les autorités, comme la BPI ou l’ADEME.” 

En revanche, avec la hausse du coût des matières premières, le choix du vélique ne serait pas uniquement motivé par cet aspect militant. “Nous réussirons à convaincre les grands groupes de changer le transport maritime, seulement si, économiquement, ils en retirent quelque chose de viable. L’aspect vertueux et incitatif, malheureusement, ne sera pas suffisant. Nous devrons argumenter sur la performance réelle de ce type de transport, sur le gain en argent, le gain en consommation de fioul, la limitation de l’exposition sur les marchés de l’énergie et également sur la mise aux normes d’un point de vue réglementaire. Mais la réglementation doit inciter à aller de plus en plus vers des solutions décarbonées.”

 

Des changements de comportements chez les passagers qui se répercutent sur les compagnies

La troisième table ronde focalisée sur les attentes et les perspectives pour le transport à la voile de passager a réuni Jessica Viscart, directrice adjointe de la cellule observation et développement chez Tourisme Bretagne, Jonas Duvivier, de la compagnie Iliens, Grégoire Thery, directeur de la stratégie chez Sailcoop, et Nikias Ioannidis, consultant chez LMG Marin France.  

Jessica Viscart a d’abord rappelé les réflexions menées, après la crise du Covid, par les Français sur le plan touristique. Besoin d’être acteur de ses vacances, d’être respectueux de l’environnement dans ses déplacements et sa façon d’être ont été mis en avant. Des changements de comportement qui se retrouvent dans la fréquentation des compagnies ayant fait le choix des voiles pour leurs navires. C’est le cas d’Iliens, qui assure des liaisons entre Belle-Île-en-Mer et le continent en période estivale. “Lors de la première année, en 2021, nous avons enregistré 14 000 passagers, chiffre Jonas Duvivier. La deuxième année, complète, nous a permis d’atteindre 18 000 passagers. En 2023, nous avons un peu stagné, mais nous tablons sur un potentiel de 25 000 voyageurs.” Chez Sailcoop, qui relie la Corse au continent, on a observé “un taux de décarbonation de 80% par rapport à l’avion, 90% par rapport aux ferries de nuit et 95% par rapport aux ferries de jour”, selon les chiffres de Grégoire Thery.

Nikias Loannidis a ensuite conclu l’échange par un tour d’horizon des différents projets existants qui intègrent le vélique comme un complément.

 

Une nécessité de retravailler à la voile pour les navires de travail mais avec des contraintes

Simon Watin, directeur général de VPLP Design, Jean-Pierre Le Visage, dirigeant de Scapêche, et Tangui Le Bot, coordinateur de projet de voilier de travail chez Skravik, ont passé en revue les différents projets menés pour le développement de la propulsion vélique pour les navires de travail et notamment de pêche.

L’intégration des voiles sur ces derniers fait face à une contrainte importante : “Par définition, ils ne travaillent pas en fonction du vent, mais du poisson. Ils ne seront pas forcément dans le sens du vent, pointe Jean-Pierre Le Visage. Contrairement aux autres types de navire, les marins travaillent sur les ponts pendant que le navire se déplace. Il existe également des contraintes administratives qui font qu’on ne peut agrandir les navires.” Simon Watin prolonge : “La pêche représente la typologie de navire pour laquelle il est plus difficile d’envisager l’implémentation d’équipements véliques.” Il décèle cependant un potentiel pour le palangrier, “qui est un type de bateau qui va loin et longtemps et qui travaille dans des zones où il y a du vent”. 

Pour Tangui Le Bot, qui coordonne le projet Stravik, il est nécessaire “de repenser les modèles économiques afin que la voile devienne une évidence. Nous sommes dans une démarche où ce sont les locaux et les consommateurs qui choisissent ce qu’ils consomment et la façon dont est pêché le produit.”

 

La propulsion vélique, une des solutions pour décarboner le transport maritime

Nils Joyeux, cofondateur de Zéphyr & Borée, a conclu cette conférence en présentant les diverses solutions qui sont envisagées afin d’être en phase avec les objectifs de l’Organisation Maritime Internationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. “La propulsion vélique fait partie des trois solutions avec la réduction de la vitesse, le recours aux carburants de synthèse. Mais il en existe une quatrième qui est tout simplement de moins transporter.” 

Il a également exposé le projet Williwaw, qui consiste à faire naviguer 5 porte-conteneurs décarbonés afin de transporter les marchandises de grands chargeurs. “Opérant à faible vitesse, environ 11 nœuds, ils permettent de réduire les émissions de CO2 d’un peu plus de 50%.” Ces lignes maritimes correspondraient ainsi aux objectifs de l’Union Européenne qui “n’interdit pas forcément de polluer mais qui veut le rendre plus cher afin de forcer les armateurs à se tourner vers les carburants alternatifs ou de synthèse”.