Enquête

Comment les Ultims se préparent à l’Arkea Ultim Challenge-Brest8 min de lecture

  • voile de compétition

Interviews, Enquêtes, évènements incontournables et les actualités des adhérents d’Eurolarge Innovation… Tous les trimestres, la Bretagne Sailing Valley® News traite l’actualité économique et technologique de la voile de compétition bretonne. Aujourd’hui, zoom sur les Ultims qui se préparent à cette course inédite qu’est l’Arkea Ultim Challenge-Brest. 

Programme chargé pour les Ultims ! Un mois après une “rentrée des classes” du 29 septembre au 1er octobre à Lorient pour les 24H Ultim, les trimarans de la classe 32/23 s’élanceront le 29 octobre sur la Transat Jacques Vabre Normandie-Le Havre, avant d’enchaîner par le départ le 7 janvier 2024 de l’Arkea Ultim Challenge-Brest. Initialement prévue en 2019, cette première course autour du monde en solitaire arrive à point nommé pour des multicoques dont la fiabilité a nettement progressé ces dernières années. Tour d’horizon de leur préparation avec les skippers Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI), Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) et Anthony Marchand (Actual Ultim 3) ainsi que le directeur des études de MerConcept qui héberge le projet SVR Lazartigue, Antoine Gautier, et Cyril Dardashti, directeur général du Gitana Team.

Un tour du monde en solitaire, en Ultim 32:23 

“L’enjeu d’un tour du monde, c’est bien moins la performance que la fiabilité.” Voilà résumé en peu de mots par Antoine Gautier ce sur quoi s’accordent tous les futurs acteurs de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, première course autour du monde en solitaire en Ultim de l’histoire, qui devrait tenir en haleine la planète voile pendant 40 à 50 jours l’hiver prochain. Spécialiste des tours du monde, en solitaire et en équipage, Thomas Coville est au diapason, lui qui, dès le départ, avait imaginé son Sodebo Ultim 3 spécifiquement pour cette course : “La genèse de Sodebo Ultim 3 est liée au tour du monde initialement programmé pour 2019. C’était donc un bateau très sage dans sa conception.”

La course ayant été par la suite plusieurs fois reportée, le trimaran n’a eu de cesse d’être optimisé, toujours en fonction de cet objectif érigé en priorité par son skipper. “Après avoir fait évoluer les appendices les années passées [nouveaux foils et nouveaux safrans, NDLR], nous avons rallongé le mât de 2 mètres cette année, au maximum de la jauge”, confie-t-il. Une modification réalisée avec Lorima dans les locaux de Sodebo, à Lorient, pour donner plus d’allongement au plan de voilure du trimaran et lui permettre de décoller plus tôt, avec moins de traînée une fois en l’air.

Plus de poussée, moins de traînée, c’est aussi la logique de la nouvelle paire de foils greffée cette année sur Actual Ultim 3 pour optimiser les performances du plan VPLP, le plus ancien des six trimarans qui s’élanceront de Brest le 7 janvier prochain (mis à l’eau en août 2015). Dessinés par VPLP, calculés par GSea design et réalisés par Avel Robotics à Lorient, ces foils sont ”une évolution logique dans le cycle de vie du bateau, pas forcément liés au tour du monde”, selon son skipper Anthony Marchand – qui a succédé cette année à Yves Le Blevec – qui dit s’être ”d’abord concentré sur la fiabilité, avec un gros travail sur l’énergie”.

Gestion de l’énergie et confort

L’énergie est également un sujet sur lequel s’est penché le Team Banque Populaire qui, en plus d’avoir ajouté de nombreux panneaux solaires sur Banque Populaire XI, travaille en collaboration avec Watt and Sea sur une éolienne qui sera installée sur la Transat Jacques Vabre, dernier round d’observation en double avant le grand saut. Sa spécificité ? Les pales ont un pas variable en fonction du vent apparent qui va de 5 à 50 nœuds, selon l’allure (portant VMG ou reaching). Voraces en énergie (jusqu’à 500 ampères par jour), les Ultims présentent d’ailleurs tous dans ce domaine des redondances afin de solliciter le moins possible le moteur, avec, pour certains, des particularismes comme l’hydrogénérateur à prise d’eau dans la dérive de Sodebo Ultim 3.

Peu de nouveaux capteurs ont été installés sur les Ultims, déjà très instrumentés. “Nous connaissons très bien la plateforme, elle est aujourd’hui mature pour partir autour du monde, indique Cyril Dardashti à propos du Maxi Edmond de Rothschild qui sera mené par Charles Caudrelier. Nous n’avons pas besoin de plus d’informations, mais de sélectionner les bonnes !”

Un travail  substantiel a en revanche été réalisé sur le confort à bord dans l’optique du tour du monde. Sur SVR Lazartigue, les nouveaux sièges de veille ont été adaptés à la morphologie du benjamin de la course, Tom Laperche, plus grand que François Gabart qui lui a cédé la barre du trimaran. Matelas spécifique aussi sur Actual Ultim 3, nouvelles inclinaisons des sièges sur Sodebo Ultim 3…  Sur le Maxi Edmond de Rothschild, la casquette va être complètement fermée sur l’arrière, mais sur ce dossier de l’ergonomie, précieuse pour le “confort” du skipper, c’est sans doute le Team Banque Populaire qui est allé le plus loin : ”Nous avons complètement fermé le cockpit en prolongeant la casquette à l’arrière, explique Armel Le Cléac’h, qui précise avoir “installé à bord le même système de chauffage que pour le Vendée Globe.” Les autres Ultims en sont dépourvus, mis à part Sodebo qui a prévu un ”un petit modèle destiné à sécher les vêtements”, selon Thomas Coville.

L’escale possible, une donnée stratégique

Au chapitre du matériel de secours, les skippers n’embarquent visiblement pas beaucoup plus que pour les courses précédentes, l’escale étant autorisée dans les instructions de course. Même si, pour Cyril Dardashti, “celui qui gagnera sera le bateau qui s’arrêtera le moins et le moins longtemps”, cette possibilité rassure, notamment par rapport aux chocs avec les Ofnis, talon d’Achille des Ultims. Si pour Antoine Gautier, le système de détection SEA.AI (ex Oscar) ”est surtout adapté pour repérer les petits bateaux dépourvus d’AIS” et pas forcément les Ofnis, tous sont tout de même équipés de ce type de caméras et de “pingers” (émetteurs d’ondes répulsifs pour les mammifères marins). Sur ce sujet, OC Sport Pen Duick, organisateur de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, a d’ailleurs noué un partenariat avec Share The Ocean, afin d’identifier – et donc éviter – des zones de concentration de mammifères sur le parcours de la course autour du monde.

Malgré la taille des bateaux, la crainte principale des skippers reste le chavirage. Pour tenter de le prévenir, tous les teams ont équipé les trimarans d’un système de largage automatique de l’écoute de grand-voile (ou du traveler), l’évolution de l’électronique leur permettant d’aller de plus en plus loin dans ce domaine. “Nous avons développé en collaboration avec Pixel sur Mer un système intelligent qui permet de donner des consignes au pilote liées à l’assiette du bateau, raconte ainsi Armel Le Cléac’h. Au-delà d’un certain angle de gîte par exemple, le pilote loffe si on est au près ou abat si on est au portant. Ça fonctionne réellement bien et c’est vraiment rassurant.”

A la mi-septembre, tous les Ultims ont été remis à l’eau après des chantiers plus ou moins longs et le calendrier va maintenant s’accélérer. Entre les entraînements en double, un premier rendez-vous à Lorient, les 24H Ultim, du 29 septembre au 1er octobre, la Transat Jacques Vabre et le convoyage retour en équipage, tous concèdent qu’il n’y aura quasiment plus de navigation en solitaire d’ici le départ. Les dés sont en partie jetés…

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Un 6e inscrit sur l’Arkea Ultim Challenge-Brest ! A la recherche d’un partenaire depuis le début de l’année, Eric Péron sera lui aussi au départ de l’Arkea Ultim Challenge-Brest le 7 janvier 2024. Adagio, leader européen de l’appart’hôtellerie, s’est en effet engagé auprès du skipper en vue de la course autour du monde en solitaire. “La rencontre avec Eric et son équipe nous a convaincus que participer à cette course au large en solitaire inédite, si singulière et exceptionnelle, nous permettrait de faire résonner notre marque de la plus belle des manières et de vivre une aventure humaine individuelle et collective hors du commun”, a confié Virginie Barboux, senior vice president client et marketing du groupe hôtelier.

 

Crédit Photo : © Léonard Legrand / Sodebo Voile

 

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