Voiles écoresponsables
Enquête

Les voiles écoresponsables, petite ou grande révolution ?5 min de lecture

  • voile de compétition

Interviews, Enquêtes, évènements incontournables et les actualités des adhérents d’Eurolarge Innovation… Tous les trimestres, la Bretagne Sailing Valley® News traite l’actualité économique et technologique de la voile de compétition bretonne. Zoom sur les voiles écoresponsables.  

La pratique de la voile de compétition se veut de plus en plus vertueuse et soucieuse de l’environnement. Depuis quelques années, les réflexions s’intensifient chez les voiliers pour produire moins de déchets et des voiles plus écoresponsables. Des réflexions partagées avec certaines classes, conscientes d’avoir un rôle à jouer pour accélérer la transition environnementale.

A partir du 1er janvier 2023, la jauge de la classe Imoca imposera à chaque skipper d’avoir à bord au moins une voile verte” pour chaque course de son calendrier, sauf “si l’équipe n’a pas acheté plus d’une nouvelle voile 2023”. En 2024, la règle s’appliquera à tous. Concrètement, “une voile verte, c’est une voile plus écoresponsable dans sa conception sur toute la chaîne de production, des rejets de déchets, à son transport, par bateau plutôt que par avion, en passant par la dépense d’énergie pour la produire, précise Imogen Dinham-Price, sustainability manager pour la classe Imoca. Nous voulions être moteurs sur ce sujet, c’est pour ça que nous avons lancé une collaboration avec toutes les voileries qui sont toutes venues autour de la table et ont joué le jeu de l’Analyse du cycle de vie (ACV) de leurs produits. Cela nous a permis de comprendre les points critiques de la production des voiles.”

Cette initiative de la classe Imoca a été plutôt bien perçue par les voileries, à l’instar de North Sails : “Ça nous a donné un certain recul et permis de percevoir des axes d’amélioration, on a passé beaucoup de temps à étudier l’impact de la production de nos voiles à tous les postes, confirme Gautier Sergent, le directeur général France. Cela faisait déjà partie de l’ADN de l’entreprise : nous achetons une partie d’énergie verte, nous avons acheminé les voiles de l’Ocean Fifty Koesio des Etats-Unis jusqu’en Bretagne par bateau et non par avion, enlevé le scotch plastique des packagings… Petit à petit, on monte la barre, ce sont parfois des petites choses, mais mises bout à bout, elles pèsent beaucoup.”

Chez Incidence Sails, la problématique environnementale est également prise en compte, comme le souligne Pierre-Antoine Morvan, responsable course au large : “Nous travaillons tous dans la même direction. Les ACV ont permis de mieux mesurer l’impact de nos déchets. Pour 1 kilo de voile, nous produisons 6 kilos de déchets, c’est trop ! Donc nous tâchons de les réduire en travaillant sur de nouvelles résines. Dans le sourcing de nos fournisseurs, nous privilégions aussi la proximité afin de limiter les transports qui représentent 80 % des émissions de CO2 de la production d’une voile, nous achetons également de l’énergie verte… Le travail collaboratif mené avec les classes, dont l’Imoca, permet à tout le monde d’avancer.”

Et l’écoconception ? 

Au sein de la Classe Mini, le sujet fait l’objet de débats particulièrement animés, mais également de mesures concrètes, puisque, dès 2023, le solent en dacron sera obligatoire pour les bateaux de série, comme c’est déjà le cas pour la grand-voile : “C’est une matière qui ne se délamine pas, ne provoque pas de perte dans l’eau, au contraire des membranes classiques qui s’usent, avec des lambeaux qui partent à la mer. Nous ne pouvions plus accepter de polluer notre terrain de jeu”, explique le nouveau président de la classe, Jean Marre.

Quid de l’écoconception et de l’utilisation de fibres végétales à la place de fibres synthétiques ? “Le sujet n’est pas encore sur la table, il faudrait qu’on se penche plus dessus, on aimerait bien que certains protos s’y mettent pour valider le concept”, reconnaît Jean Marre. Du côté de l’Imoca, Imogen Dinham-Price parle “d’un travail sur les membranes pour le long terme”.

Un travail qui a cependant déjà été entrepris, voilà deux ans, par la voilerie All Purpose Carnac-La Trinité : “Nous avons réalisé une grand-voile en partie en fibre de lin pour le Figaro d’Adrien Hardy. La membrane faisait le même poids qu’une membrane classique et elle n’a pas empêché Adrien de performer, puisqu’il a terminé quatrième de la Solitaire en 2020”, explique Frédéric Moreau, le cogérant.

Depuis, All Purpose a équipé d’une grand-voile similaire les Class40 d’Amélie Grassi et de Stan Thuret, ainsi que l’Outremer 5X We Explore de Roland Jourdain, deuxième en Rhum Multi de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Et la voilerie ambitionne d’aller plus loin : “Sur les grands-voiles, on sait désormais qu’en termes de performances, on est sur un pied d’égalité. L’idée maintenant est de tester la membrane sur des voiles d’avant, plus sollicitées.”

Ce qui sera fait en 2023 avec un solent pour le proto 6.50 de Marie Gendron, et, espère la voilerie, avec un gennaker d’Imoca, à condition de trouver des skippers qui acceptent de s’inscrire dans cette démarche. “Pour faire avancer l’état de l’art, on a besoin de mener un vrai co-développement avec les coureurs, rappelle Frédéric Moreau.

Crédit Photo : © Stan Thuret

 

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