© Vincent Curutchet / Team Sodebo
Enquête

L’analyse de données : la data au coeur de la course au large5 min de lecture

Enquête de la Bretagne Sailing Valley® News

Interviews, Enquêtes, évènements incontournables et les actualités des adhérents d’Eurolarge Innovation… Tous les trimestres, la Bretagne Sailing Valley® News traite l’actualité économique et technologique de la voile de compétition bretonne. Découvrez ci-dessous l’enquête dédiée à l’analyse de données.

L’instrumentation des bateaux de course au large n’est pas nouvelle, mais elle a fait en quelques années un bond prodigieux. Tout ce qui est quantifiable se mesure aujourd’hui et produit des flots de données. Leur analyse suppose de nouvelles méthodes de travail, mais promet de meilleures performances et davantage de fiabilité. Au cœur de ces enjeux, les entreprises bretonnes ont développé un savoir-faire de pointe auquel font appel de plus en plus de teams. Décryptage.

Les progrès technologiques et les nouveaux besoins des bateaux volants concourent aujourd’hui à mesurer un nombre toujours plus important de données. Celles de navigation bien entendu, mais aussi les efforts sur le gréement, les appendices ou les points-clés de la structure, les attitudes en trois dimensions du bateau, l’angle d’incidence des appendices…

Si l’on prend l’exemple du safran d’un Ultime, sont aujourd’hui mesurés, a minima : sa hauteur puisqu’il coulisse, son rake (basculement), son angle et les charges qu’il reçoit à l’instant T. Multipliez cela par six – le nombre d’appendices d’un trimaran géant – et voilà autant d’informations que le skipper protégé sous la casquette du cockpit ne peut visualiser autrement que par les données qui s’affichent sur ses écrans.

« Il y a quinze ans, un bateau sophistiqué était équipé d’une trentaine de capteurs. Aujourd’hui, on en compte plus de 300 sur un Imoca et jusqu’à 500 sur un Ultime ou un bateau de la Coupe de l’America », résume Jean-François Cuzon. Fondée en 2008, sa société Pixel sur Mer, qui compte 20 salariés à Lorient, est l’une des leaders dans la captation des données avec un service complet : pose des capteurs et de la fibre optique, enregistrement des données sur le boîtier Exocet Blue, visualisation par le skipper via des tableaux de bord à thème, gestion des alarmes et enfin, transfert vers la terre.

L’analyse de ces données intéresse au premier chef les teams, les architectes et les bureaux d’études. En cas d’accident bien sûr, puisqu’Excocet agit comme une boîte noire, qui a permis par exemple de récupérer les données de Banque Populaire IX après son chavirage au large du Maroc au printemps 2018 ou d’analyser le démâtage de Bureau Vallée 3 sur la dernière Transat Jacques Vabre. Directeur associé de GSea Design, Sébastien Guého explique : « En tant que bureau d’études structure, nous travaillons sur des modèles numériques qui sont nourris d’hypothèses. Avec les données enregistrées, nous pouvons aujourd’hui recaler nos cas de chargement. On est clairement entrés dans une nouvelle ère. »

Précieuses pour gagner en fiabilité, les données sont aussi capitales pour la performance. Mais avant de pouvoir les utiliser, il faut en faire le dépouillement. Un travail chronophage que peu de concepteurs ou de teams peuvent s’offrir. Au cœur de cette problématique, Renaud Bañuls, l’un des architectes de Sodebo Ultim 3, a ainsi passé une convention avec trois laboratoires (Inria, Ecole Polytechnique et CNRS) pour développer ses propres outils de traitement. « C’est à mon sens une question sous-estimée par une partie des équipes car ce sont des millions de données qui peuvent affluer. Il faut établir des stratégies mathématiques de traitement et savoir dégager les phases où la donnée va aider à mieux comprendre le comportement en dynamique du bateau. »

C’est aussi dans cette logique que se place Olivier Douillard, navigant et spécialiste de l’analyse de performances, qui a lancé il y a un an AIM45, une plateforme qui agit comme un filtre au retour des navigations. « C’est un maillon de la chaîne qui n’existait pas vraiment auparavant. Notre ambition est de fournir de la donnée contextualisée aux équipes. Etre capable de trouver ce qui fait sens autour d’un chiffre, parce qu’on a une vision complète des conditions à l’instant T. »

Activés en entraînement mais aussi en course – « le meilleur contexte car les gars sont à fond ! » ajoute Renaud Bañuls – les enregistrements permettent de partager en temps réel avec la terre tous les paramètres des bateaux. Interdite par certaines règles de classe, la pratique est autorisée par d’autres, comme en Imoca, sous réserve que les équipes n’envoient aucun retour au bateau. Comme pour le routage, cette réserve repose sur une déclaration sur l’honneur et pourrait être un des enjeux pour les évolutions réglementaires dans les années à venir.

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