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Comment la Bretagne Nord peut devenir un port d’attache de la filière voile de compétition ?6 min de lecture

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À travers le programme Eurolarge Innovation, BDI a profité du cadre offert à Saint-Quay-Portrieux par le Trophée Multicoques le 12 juillet 2023 pour réunir des acteurs de la voile de compétition lors d’une conférence sur l’émergence de la filière en Bretagne Nord. Entre nécessité de personnifier les projets et de mixer volonté politique et privée, les participants ont pu dresser un état des lieux et imaginer des pistes concrètes pour l’avenir du secteur vélique dans cette zone géographique.

 

Une forte concentration en Bretagne Sud

Aujourd’hui, tout un chacun aurait tendance à résumer la voile de compétition bretonne au sud de la région. Et pour cause. La Bretagne Sailing Valley® et ses multiples chantiers, teams de course et entreprises sont essentiellement regroupés dans une zone s’étalant de Vannes à La Forêt-Fouesnant. Les infrastructures, la concentration d’acteurs et les conditions de navigation participent en effet à l’attractivité de ce territoire pour s’implanter sur le long terme. Mais les avantages du Sud ont aussi leurs défauts, parmi lesquels la forte concentration des acteurs de la voile de compétition, au point de parfois saturer la zone. “il y a encore de nombreux projets et certains sites sont au maximum de leur capacité d’accueil, souligne Arnaud Cacquevel, responsable marketing chez BDI. Des chantiers italiens ou anglais sont assez présents dans le paysage vélique, même pour des navires qui sont très français.”

 

Consulter la cartographie des acteurs de la voile de compétition en Bretagne

 

C’est de ce constat qu’est née la genèse de la conférence du 12 juillet 2023 focalisée sur l’émergence d’une filière voile de compétition en Bretagne Nord, préambule au Trophée des Multicoques se déroulant dans la baie de Saint-Quay-Portrieux et réunissant plusieurs acteurs, entre skippers, entreprises et officiels dans le fief de la classe Ocean Fifty.

 

Des pôles au nord déjà positionnés dans le sillage de la classe Ocean Fifty 

La classe coprésidée par Erwan Le Roux et Thibaut Vauchel Camus fait figure de première de cordée pour l’implantation au nord de la région. Depuis plus de 15 ans, elle a fait de Saint-Quay à St Malo les lieux de villégiature des 10 navires qui la composent. “Nous avons décidé d’arrêter de construire de nouveaux bateaux en mettant en place un numerus clausus, notamment pour des raisons économiques mais aussi pour des problématiques écologiques”, dresse Erwan Le Roux. Une réglementation qui fait ainsi la part belle au rachat ou à la rénovation de bateaux anciens. “Thibaut Vauchel-Camus en est l’exemple parfait. Nous avions des bateaux à vendre dans cette classe. Il a imaginé cette solution qui était de trouver un acheteur pour son bateau et de pouvoir en racheter un qui était en attente”, souligne le skipper de Koesio. “Cette démarche de reprendre d’anciens navires au sein de la classe Ocean Fifty peut inciter au retrofit et attirer des chantiers en Bretagne Nord”, poursuit Arnaud Cacquevel. 

D’autres territoires du nord de la région se sont aussi positionnés sur l’accueil de projets liés à la course vélique. “La voile de compétition porte des valeurs qui sont très intéressantes pour la communication des territoires et synonymes de retombées économiques. Donc, oui, Brest, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Roscoff sont déjà des territoires, des collectivités qui se positionnent”, indique Arnaud Cacquevel.

 

Une volonté politique nécessaire pour enclencher un mouvement…

Afin de poursuivre le développement de la filière au nord de la région, tous les acteurs présents lors de la conférence sont unanimes : la volonté politique est nécessaire. “Nous sentons qu’avec le projet Ambition Nautique porté par Saint-Brieuc Armor Agglomération, il y a une volonté d’être au cœur des événements nautiques, relève Juliette Girard, co-gérante de TEEM Électronique. Cela nous engage, acteurs, sur des choses que l’on n’avait pas l’habitude de vivre en Côtes-d’Armor. 

Pierre Le Boucher, président du comité départemental de voile, prolonge : “Quand les territoires se saisissent d’une problématique qu’ils considèrent comme prioritaire, on peut accueillir de très belles compétitions comme ici à Saint-Quay. On espère que cela fait briller les yeux de certains, de nous coureurs et plus particulièrement les jeunes.” 

 

… accompagné par des projets humains

Une fois que la volonté politique est présente, qu’advient-il ? « La voile de compétition est liée à des projets humains”, répond Gaël Le Cleach. Le cogérant d’All Purpose Voilerie, basée à Roscoff, cite l’exemple de Tanguy Leglatin et son installation à Lorient pour l’encadrement de skippers. Si vous avez un leader ou quelqu’un qui fait que les coureurs veulent aller s’entraîner dans un endroit, le train se met en route et tout le monde suit.” Juliette Girard poursuit : “En baie de Saint-Brieuc, nous avons toutes les infrastructures techniques requises pour accueillir la filière. Des professionnels sont basés au port du Légué. De nombreux Class40 viennent y faire leur chantier d’hiver. Il faut désormais attirer plus de skippers.” 

Cette personnification d’un projet en lien avec la voile de compétition permet ensuite de constituer des pôles de formation nécessaires, tant sur le plan sportif qu’industriel. “Le premier travail est de former les coureurs”, lance Pierre Le Boucher. “À Roscoff, nous avons des gens compétents en composite et qui aujourd’hui, font de la stratification sur des bateaux de croisière, relève Gaël Le Cleach. Je pense qu’ils seraient capables de réparer et rénover des navires de course s’ils sont formés.”

 

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… et poursuivi par l’apport du secteur privé 

Une fois la machine politique lancée et portée par des personnes, reste les industriels et acteurs privés à embarquer dans l’aventure. Pour Pierre Le Boucher, “c’est le cap à franchir, d’avoir un club d’entrepreneurs qui veut monter une structure d’entraînement et recruter des coachs de renom comme Tanguy Leglatin à Lorient ou Christian Le Pape à Port-La Forêt.” À l’image du modèle anglo-saxon, orienté vers des structures privées pour soutenir la filière et les volontés politiques. “Certains skippers, comme Damien Cloarec, fonctionnent à travers des structures pas totalement pilotées par les ports ou des élus, avance Gaël Le Cleach. C’est peut-être aussi une solution pour y arriver plus facilement à travers des clubs d’entreprise ou des choses comme ça qu’on n’a pas encore nous sur le territoire.” 

Ambition politique et/ou privé, nécessité de trouver des porteurs de projet de renom, construction d’une stratégie… Les waypoints sont posés pour installer de façon pérenne la voile de compétition en Bretagne nord…

 

Crédit photo : BDI