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Success story

All Purpose donne un Second Souffle aux voiles usagées de bateaux11 min de lecture

Et si les voiles de bateaux stockées dans les garages, les greniers ou autres hangars, retrouvaient une seconde vie plutôt que de finir à la déchetterie ? C’est en partant de cette idée que la voilerie All Purpose de Carnac s’est lancée dans l’aventure Second Souffle. Depuis avril 2023, l’équipe projets met en place une démarche d’économie circulaire en organisant un système de collecte et d’expertise de ces voiles usagées, afin de leur trouver des débouchés et éviter qu’elles finissent en déchets enfouis. Cette nouvelle offre écoresponsable et durable allie créativité, innovation et durabilité, dans la droite lignée de la stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) engagée par All Purpose depuis 2020. Frédéric Moreau, associé, co-gérant et responsable commercial de la voilerie All Purpose de Carnac, nous présente le projet.

 

Bien-être au travail et réduction de l’impact environnemental, pilliers de la démarche RSE d’All Purpose

Comment est né le projet Second Souffle ?

La voilerie All Purpose a été créée en 1996 à La Trinité-sur-Mer avant de déménager en 2013 à Carnac. Spécialisée dans la conception et la fabrication de voiles, elle répond aux besoins des skippers de courses au large, mais propose également des voiles milieu-haut de gamme pour la croisière. All Purpose, c’est aussi un réseau de cinq autres voileries, réunies en Groupement d’Intérêt Économique, réparties sur tout le littoral français (Atlantique, Manche, Méditerranée).

Depuis 2020, avec mes trois associés (Brice Berthier, Matthieu Souben, et Damien Seguin), nous sommes engagés dans une démarche RSE ambitieuse et volontaire, concentrée sur deux axes : le bien-être au travail de nos collaborateurs et la réduction de l’impact environnemental de notre activité. Nous cherchons par tous les moyens à limiter l’empreinte écologique des voiles de bateaux en évitant leur enfouissement ou leur incinération, en prolongeant leur vie, et en réduisant l’utilisation de matière première neuve lors de la fabrication.

Le projet Second Souffle est l’un des leviers mis en place dans ce cadre-là. Nous sommes partis du constat qu’il existait beaucoup de voiles de particuliers et de coureurs au large stockées un peu partout dans des garages, des greniers, des hangars… On trouvait dommage que ces voiles prennent la poussière avant de finir à la déchetterie.
Les voiles d’occasion ont toujours existé, mais ce que Second Souffle a permis de mettre en place, c’est l’organisation de leur collecte, leur expertise et la volonté de trouver des débouchés coûte que coûte à chacune d’entre elles.

 

Neuf points de collecte Second souffle disséminés dans le Morbihan

Comment s’est organisée la collecte de voiles usagées ?

Le projet s’est monté grâce à deux alternants sur 2022-2023 : Luisa Bertho, chargée de clientèle, et Gauthier Cavrois, chargé de mission RSE & Développement Durable au sein d’All Purpose.
Après plus d’un an de réflexion, Second Souffle a réellement pris forme lors du lancement du premier bac de collecte le 31 mars 2023 à l’occasion des Foils Journées à l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques (ENVSN) de Quiberon. En un mois, nous avions récolté 40 voiles et 8 étaient déjà revendues en août 2023 !

Aujourd’hui, neuf points de collecte sont ouverts dans le Morbihan. Afin d’être au plus proche d’un maximum de public, de la voile légère à la course au large, nous avons contacté des écoles de voile, des magasins, des chantiers navals, des capitaineries, mais aussi Cap Ressourcerie à Crac’h par exemple.

La mise en place de ces points de collecte s’est accompagnée de plusieurs actions de sensibilisation. Nous avons participé à quelques manifestations au port de La Trinité.
All Purpose a également communiqué sur le projet Second Souffle lors du Salon nautique international du Grand Pavois à La Rochelle. Nous sommes aussi présents sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn) et dans la presse, notamment le magazine Voiles et Voiliers. Ce sont aussi beaucoup de discussions auprès des coureurs, qu’on a plus facilement en direct grâce aux voileries. Les retours sont toujours positifs et très encourageants. Ils nous donnent envie de poursuivre l’effort.

Pour cette première étape de collecte, l’idée était de limiter cette expérimentation, dans l’espace et dans le temps, pour ne pas trop se disperser. Les retours sont vraiment bons, donc nous prolongeons l’essai jusqu’en mars-avril 2024 pour avoir une année complète de retours d’expériences. Je pense que dès l’année prochaine, nous déploierons la collecte sur les autres voileries All Purpose, qui sont en demande. Second Souffle a vocation à perdurer !

 

Quelles options sont possibles pour chacune des voiles récupérées ?

Une fois les voiles collectées, elles arrivent à la voilerie de Carnac. Elles sont étalées, expertisées, mesurées, puis catégorisées selon leur état en trois packs :

  • Pack Voile – Le Réemploi : les voiles peuvent resservir pour naviguer. Elles sont revendues en voiles d’occasion, en l’état ou reconditionnées après quelques petites réparations. On peut également les retailler pour les adapter à d’autres bateaux.
  • Pack Tissu – La Réutilisation : les voiles sont trop abîmées pour naviguer, mais encore en bon état pour avoir une seconde vie. Nous récupérons alors toutes les pièces métalliques et plastiques possibles (ferrures, taquets, boîtiers de latte…) qui pourront resservir lors des réparations du pack Voile. Les tissus encore en bon état sont découpés, puis échangés contre des bons d’achat à des entreprises partenaires, spécialisées dans l’upcycling. Ces bons d’achat sont reversés aux donateurs de voiles pour les inciter à poursuivre leur bonne action.
  • Pack Déchet – L’élimination : les voiles sont irrécupérables. Pour le moment, elles partent à la déchetterie, mais nous échangeons avec des industriels afin de mettre en place une filière de recyclage. Le projet Second Souffle cherche à répondre au plan de gestion et de prévention des déchets de la Région Bretagne : zéro déchet enfoui d’ici à 2030 et 0 déchet produit à l’horizon 2040. Notre objectif est donc de trouver des solutions pour éviter d’exporter nos déchets.

 

500m² de tissus stockés pour Second Souffle

Avec quels partenaires travaillez-vous pour la partie upcycling ?

Deux entreprises expertes de l’upcycling travaillent déjà avec Second Souffle. Elles transforment les voiles de bateaux usagées de manière créative et durable, afin de leur offrir une seconde vie. Du sac à l’accessoire déco, en passant par les toiles tendues, les possibilités sont infinies. Le Rouquin qui Roule, fabrique par exemple des sacoches et d’autres accessoires dédiés au vélo à partir de nos chutes de tissus. Nous sommes également en cours de discussion avec La Virgule qui conçoit des sacs en tout genre.

Nous sommes en contact avec plusieurs entreprises. Mais jusqu’à maintenant, nous nous heurtions encore à des problèmes techniques et de visibilité d’approvisionnement en tissus.
La voilerie stocke aujourd’hui presque 500 m² de tissus. Nous n’avons pas la volonté d’aller jusqu’à des dizaines de partenaires mais nous allons pouvoir développer des relations avec des artisans, qui fabriquent des produits de qualité, proches de chez nous, en favorisant une économie circulaire. Nous avons encore besoin des données collectées au sein de Second Souffle sur cette première année au moins, pour imaginer la quantité possible de tissus à recycler.

 

all purpose second souffle rouquin qui roule
Pour son projet Second Souffle, la voilerie All Puropose travaille avec Le Rouquin qui Roule (Patrick Pardy), qui fabrique notamment des sacoches et d’autres accessoires dédiés au vélo à partir des chutes de tissus.

 

Quel premier bilan faites-vous de cette expérience ?

À la mi-octobre, nous avons collecté 107 voiles et en avons déjà revendu 17, soit 4 fois plus que les voiles d’occasion vendues ces 3 dernières années ! C’est un chiffre énorme pour nous, c’est un vrai succès.
Sur ces 107 voiles, 59 ont rejoint le pack de réemploi, et seulement 4 vont être éliminées. Le modèle économique est donc viable, on est agréablement surpris par ces moins de 5% de voiles bonnes à jeter. Le public remet en service des voiles qui ont de l’intérêt.

La demande de voiles d’occasion s’accroît, en partie grâce à notre communication sur le chiffre grandissant de voiles disponibles. Mais Second Souffle apporte également une solution aux personnes qui se posaient la question, pour des raisons économiques ou de convictions, d’investir dans des voiles de seconde main. Pour les croisiéristes notamment, les performances de ces voiles sont exactement les mêmes, sauf qu’elles coûtent beaucoup moins cher. Et nos clients ont l’assurance que la voile a été expertisée par un professionnel, que les travaux nécessaires ont été faits.

Deux tarifs sont proposés pour ces voiles d’occasion vendues en l’état. Dès l’expertise, nos maîtres voiliers déterminent a minima les petites réparations nécessaires à réaliser. Et si nos clients demandent des modifications de voile, un ajout de latte par exemple, un devis est proposé avec plusieurs options. Nos équipes réalisent ensuite les travaux en fonction de la personne intéressée, selon son besoin.

All Purpose apporte toute sa crédibilité et son expertise à cette aventure. Le réseau est aujourd’hui reconnu pour sa démarche RSE et son engagement à trouver des solutions innovantes pour réduire son impact environnemental, de la conception des voiles à l’utilisation, en passant par la fabrication. Second Souffle permettra d’augmenter la durée de vie des voiles et de limiter le nombre de voiles enfouies.

 

Quelle suite souhaitez-vous donner au projet Second Souffle ?

Le projet Second Souffle me tenait personnellement à cœur. Grâce à nos deux alternants, il a pu voir le jour très rapidement. C’est une grosse satisfaction et j’ai encore envie de le soutenir et de le porter plus loin ! Il est supporté financièrement par All Purpose. Mais aujourd’hui, nos deux alternants n’étant plus dans l’entreprise, l’équipe projet est pour le moment réduite à Vincent Keruzoré, technico-commercial et moi-même.

Beaucoup d’étapes restent cependant à mettre en place. Il faut faire des tournées régulières sur les points de collecte pour récupérer les voiles. Mais aussi expertiser les voiles, les mesurer, les enregistrer dans notre base de données, les mettre en ligne pour être vendues, répondre aux clients intéressés. Ensuite, il faut réaliser les travaux nécessaires sur les voiles, avant de les expédier. Sans compter les échanges nécessaires avec les partenaires, les contacts à prendre avec les industriels… D’ici à six mois, nous imaginons donc l’embauche d’une à deux personnes pour répondre à ces problématiques.

Par ailleurs, l’idée était pour l’instant d’expérimenter, de voir quel discours il faut avoir auprès des collectivités territoriales, des institutions, et des points de collecte éventuels. Pourquoi pas en faire un “package” qui soit transposable à d’autres voileries All Purpose. Sur le long terme, nous aimerions que cette démarche écoresponsable et durable soit rejointe par tous nos confrères du milieu nautique.

 

Et quel autre projet développe All Purpose dans le cadre de sa démarche RSE ?

L’innovation et l’écoconception des voiles de compétition nous passionnent chez All Purpose. La voilerie fait partie d’un consortium avec CLM, fabricant de membranes basé à Najac dans l’Aveyron, Kairos, société du navigateur Roland Jourdain, et l’IRDL, le laboratoire de l’Université Bretagne Sud. Ce consortium supporte le projet collaboratif Bio-tex, également soutenu par l’ADEME au niveau national, à hauteur de 3 millions d’euros sur 5 ans.

Le premier objectif de ce projet est de rester au même niveau de performances en course tout en améliorant la performance écologique des voiles actuelles, en biosourçant les membranes existantes. Nous sommes partis en 2020 d’une grand-voile de Figaro 3 dont la membrane comprenait 30% de fibres de lin. À chaque nouvel essai, on augmente en taille et aujourd’hui, nous sommes sur une grand-voile d’Imoca avec 50% de fibres naturelles au sein de sa membrane.

Le deuxième objectif de Bio-tex est de créer un tissu qui soit biosourcé, peut-être techniquement moins performant, mais tout à fait adapté à la croisière par exemple, avec un impact écologique bien meilleur sur l’environnement. À terme, on souhaite que ce tissu biosourcé soit recyclable, compostable, ou biodégradable.