Ineos Team UK by C.Gregory
Enquête

Comment la Bretagne Sailing Valley embarque sur la Coupe de l’America5 min de lecture

ENQUÊTE disponible dans la Bretagne Sailing Valley® News – Newsletter #4 – hiver 2020

Enfin ! Après les annulations des rendez-vous prévus au printemps dernier à Cagliari et à Portsmouth, les premières confrontations très attendues entre les AC75 des quatre défis engagés sur la 36e Coupe de l’America ont lieu du 17 au 20 décembre avec les America’s Cup World Series d’Auckland. Un seul et unique test grandeur nature avant la Prada Cup (15 janvier-22 février), qui départagera les trois challengers (American Magic, Ineos Team UK, Luna Rossa Prada Pirelli), dont le vainqueur défiera lors du Match de la Coupe (6-21 mars) le « defender », Emirates Team New Zealand.

Autant d’équipes au sein desquelles oeuvrent plusieurs entreprises de la Bretagne Sailing Valley dans différents domaines : architecture (cabinets de Guillaume Verdier et de Benjamin Muyl, Nat Shaver Design, GSea Design), électronique (Pixel sur Mel, Madintec), voiles (North Sails), construction (Multitech Expertises, Multiplast, Guelt, Bene Solutions, Heol Composite)…

Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’est intensifié depuis que la Coupe est passée au multicoque, longtemps une spécialité française, et particulièrement bretonne. « Je pense que la culture Orma des bateaux rapides avec tout ce que cela signifie de développement, d’appendices et de plans de voilure, a joué », estime ainsi Benjamin Muyl, “chief engineer” chez Ineos. « Le fait d’évoluer à Lorient dans un univers avec beaucoup de supports volants, et notamment les Ultimes, qui sont perçus à l’étranger comme des machines incroyables, a contribué à la crédibilité de nos entreprises, constate quant à lui Jean-François Cuzon, qui dirige Pixel sur Mer.Les victoires françaises sur la Volvo Ocean Race aussi, on a senti le regard sur nous changer, les équipes de la Coupe viennent chercher une expertise et un savoir-faire qui sont davantage reconnus, c’était beaucoup plus dur avant. »

La capacité à innover des entreprises bretonnes leur a aussi permis de s’installer dans un milieu qui ne cesse de repousser les limites technologiques. Jacques Le Berre, fondateur de Multitech Expertises, spécialisé dans le contrôle non-destructif, collabore aujourd’hui avec American Magic, après avoir précédemment œuvré chez Oracle, Luna Rossa et Team New Zealand. « Pour durer dans le milieu de la Coupe, j’ai toujours cherché à développer des techniques nouvelles. Sur les AC72 puis les AC50 par exemple, j’ai été le premier, en adaptant une technique militaire, à faire un banc d’essai sur lequel on pouvait associer plusieurs méthodes de diagnostic, confie-t-il. Et pour cette édition, j’ai mis au point une nouvelle caméra de thermographie à infrarouge qui permet d’avoir des temps de diagnostic plus rapides sur des structures très fines. Il ne faut jamais arrêter de chercher. »

La souplesse est aussi un atout, comme l’explique Tanguy de Larminat, directeur général de Karver Systems, qui équipe en pièces custom un défi… dont il ne peut contractuellement donner le nom : « C’est souvent dans les situations d’urgence qu’on intervient parce qu’on est une petite structure : ils nous donnent leurs problématiques, on leur trouve une solution dans la semaine et on arrive à faire des protos en trois semaines.
Small is beautiful !»

De son côté, le défi italien Luna Rossa Prada Pirelli a choisi GSea Design : «Ce qui les a intéressés, notamment pour leur bateau-test dont nous nous sommes occupés, c’est notre capacité à mener un projet de A à Z : établir un cahier des charges, faire de la conception, du dimensionnement et des plans, puis mener les discussions avec le chantier », détaille Sébastien Guého le directeur technique de l’entreprise qui baigne dans l’univers de la Coupe depuis la fin des années 1980 suite à la fusion avec HDS en 2014.

Si les entreprises de la Bretagne Sailing Valley ont des atouts à faire valoir, elles ont également beaucoup à apprendre de la Coupe de l’America, formidable levier de développement technologique. « Dans chaque équipe, il y a des experts dans tous les domaines de l’ingénierie à portée de main, si bien que quand tu te poses la moindre question, tu peux trouver des solutions très vite », s’enthousiasme Benjamin Muyl. Qui ajoute : « Les AC75 sont hyper complexes à comprendre, que ce soit au niveau de l’architecture globale ou des pièces comme les foils, la double voile… du coup, ça pousse sans cesse à réfléchir pour trouver des solutions, on ne peut que progresser dans un tel contexte. »

Jean-François Cuzon, dont la société instrumente en fibre optique l’AC75 d’Ineos Team UK, ajoute : « C’est sur la Coupe qu’on voit les innovations arriver, parce que les équipes ont beaucoup de moyens, donc la possibilité de balayer très large. C’est un vivier des technologies de demain très intéressant, c’est aussi pour ça que c’est important pour nous d’être présents. Et il y a une exigence sans commune mesure, ça tire vers l’excellence.» Pixel sur Mer s’est ainsi servi de la technologie de contrôle du vol développée sur les AC75 pour l’adapter sur les TF35 du Lac Léman.

Même constat chez Karver Systems : « La Coupe nous permet de faire évoluer nos produits, d’être toujours un peu en avance parce que toutes les équipes poussent le curseur très loin », explique Tanguy de Larminat. Du côté de Madintec, spécialiste des pilotes et des centrales de navigation, dont l’un des deux cofondateurs, David Cesari, est intégré au sein du défi American Magic, on abonde. «On bénéficie après chaque campagne de toutes les avancées technologiques qu’on intègre ensuite dans la course au large, explique Matthieu Robert, l’autre cofondateur. Cela fonctionne comme ça depuis dix ans.» Un cycle vertueux que tous espèrent bien perpétuer.

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Photo © C.Gregory / Ineos Team UK